TOUR BARBEROUSSE
35m
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Tour Barberousse (13/02/2024) |
NB : L'altitude mentionnée ici est approximative.
DESCRIPTION
La Tour Barberousse, située dans le village de Gruissan, occupe la pointe nord-est des ruines d'un ancien château, sur un plateau rocheux escarpé. Le pourtour de l'enceinte, adapté au terrain, présente un plan très irrégulier. Sauf au voisinage de la tour, il ne reste que les bases des courtines extérieures (BM). Cet ancien château est cité dès 1084 (CMP 80, COA 74).
L'accès à la forteresse s'effectue au sud-est par un sentier qui serpente sur le flanc du rocher et conduit à un escalier maçonné. Son tracé suggère un parcours en chicane qui aurait permis de rejoindre le château depuis le village et reprend vraisemblablement l'ancien accès, évoqué par des traces de taille et des lambeaux de mortier. Cet ancien accès existait au XVIe siècle mais la date de son aménagement est inconnue (COA 77). Le château, aujourd'hui ruiné, était formé d'enceintes hautes dont le tracé était largement déterminé par la topographie irrégulière de l'éperon rocheux sur lequel il repose, d'une tour dite Tour de Barberousse, de bâtiments formant le corps de logis et attenants à la Tour Barberousse, d'un bâtiment central et d'une basse-cour (COA 78-80).
La Tour Barberousse est datée après 1270 (COA 81), ou vers 1245 (CMP 82). La tour relativement bien conservée, sauf dans sa partie ouest, mesure environ 4,50m de diamètre intérieur, l’épaisseur des murs étant de 1,50m. Son plan, en fer à cheval, est caractéristique des tours du XIIIe siècle dans la région, même s’il est moins bien adapté au besoin résidentiel que les tours carrées. Elle est composée de deux étages d’habitation voûtés. Une tour d'escalier permettait de desservir les deux étages (COA 78). Cette Tour Barberousse offre toutes les caractéristiques d’un bâtiment ostentatoire, à la mode royale avec sa tour ronde sans ouverture de tir, des parements à bossages, et un appareil et un montage à joints fins (COA 81).
NB : La date de construction de la Tour est controversée. Les sources CMP et BM indiquent une date vers 1245, BM précisant qu'une tour est indiquée existante dans un document de 1247 alors que cette même tour n'est pas mentionnée dans un autre document de 1245. Cependant la source COA indique que la Tour ne peut avoir été construite qu'après 1270, date à laquelle apparaît dans la région le type de bossage des parements de la tour, et probablement à la charnière des XIIIe et XIVe siècles, dans une période proche de la construction de la tour de Gille Aycelin à Narbonne (NDR).
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Plan en chronologie relative (COA 82) |
HISTOIRE
Avant 1000
Avant le XIe siècle, il ne semble pas y avoir d'édifications sur le promontoire rocheux où se situe l'actuelle Tour Barberousse. En effet, actuellement, il n'existe pas de traces d'édifications antérieures au XIe siècle sur ce promontoire rocheux (COA 74).
En 708, Pépin le Bref, qui a besoin de l'appui de l'Eglise de Septimanie pour consolider son royaume, ajoute à ses prérogatives spirituelles une puissance temporelle et accorde à l'évêque de Narbonne les droits régaliens qui, dans le diocèse, étaient afférents à la navigation et à l'exploitation des salines. Gruissan n'est pas cité, mais fait vraisemblablement partie de ce don. L'acte de donation est actuellement perdu (COA 74).
En 844, dans un diplôme, Charles le Chauve cite l'acte de donation effectué par Pépin le Bref (COA 74).
1000 à 1100
En 1084, le château de Gruissan figure sur un acte de partage entre l'archevêché de Narbonne et Bérenger Daudé, un seigneur local. L'édifice est ainsi partagé entre l'Eglise et la seigneurie locale (CMP 80, COA 74-75). C'est la première mention connue d'une fortification édifiée sur le rocher et fut faite à l'occasion d'un partage arbitral prononcé entre Béranger Daudé et son cadet Guillaume. Ce partage arbitral confirme que l'Eglise de Narbonne et, avec elle, son archevêque Dalmace, investi des droits dérivant de la donation consentie par Pépin le Bref, n'étaient pas seuls en possession de la seigneurie. Ce partage assigne à Béranger et à l'archevêque la possession des droits sur le château de Gruissan avec toute dominité et appartenances, terres, vignes, maisons, jardins, prés, garrigues, hermes, quêtes, usages, services, justices, hommes et femmes et tous droits de seigneurie sans exception ni réserve. Aucun indice relatif à la date de construction du château n'est précisé. Les premiers travaux ont été probablement réalisés à cette période mais reste posée la question de qui, de l'évêque ou du seigneur, en a été le maître d'ouvrage (COA 75).
1100 à 1200
Au XIIe siècle, après 50 ans de domination des Daudé, le château de Gruissan passe à la famille Raissac (COA 75).
En 1165, Louis VII confirme à l'archevêque ses droits sur Gruissan (COA 75).
Vers 1192, Arnaud de Raissac rend hommage à Bérenger II. Il semble que le château est alors toujours partagé entre l'Eglise et la seigneurie locale (CMP 80).
1200 à 1300
En 1208, la famille de Raissac vend sa part du château au vicomte de Narbonne. Par la suite, la cohabitation entre les archevêques et les vicomtes s'avéra très tumultueuses (CMP 80).
Au début du XIIIe siècle, le château passe à la famille de Boutenac, liée aux vicomtes de Narbonne par des alliances matrimoniales (COA 75).
En 1212, Arnaud Amaury, abbé de Citeaux, est élevé à la dignité d'archevêque par le pape Innocent III. Arnaud Amaury s'octroie le titre de duc de Narbonne et fait confirmer sa suprématie sur le château de Gruissan (CMP 80).
En 1224, une sentence arbitrale rétablit la possession du château de Gruissan en deux parties (CMP 80).
En 1226, Arnaud Amaury décède. Par la suite, son successeur, Pierre Amiel, entre en discorde avec Bérenger de Boutenac, nouveau co-seigneur de Gruissan (CMP 80-82).
En 1235, une sentence arbitrale précise qu'à la mort de Pierre Amiel, le château de Gruissan deviendra l'unique propriété de Bérenger de Boutenac (CMP 82). Cette sentence décide que la moitié du château appartient à Béranger de Boutenac et que l'archevêque, Pierre Amiel, gardera la possession et la jouissance de l'autre moitié sa vie durant (COA 75).
En 1245, une charte indique qu'il existe une vieille tour au centre de la partie supérieure du château (BM). Au cours de l'année, Pierre Amiel décède. Son successeur, Guillaume de Broa fait peut-être alors construire dans un temps record une tour dans le château de Gruissan, la Tour de Broa. Le nouvel édifice alimente une nouvelle discorde qui réduisit la famille de Boutenac au rang de vassale des archevêques. Plus tard, à une date inconnue, la Tour de Broa prendra le nom de Tour Barberousse (CMP 82).
En 1247, un document précise que, outre la vieille tour citée en 1245, une autre tour fut construite vers l'entrée, laquelle serait la tour actuelle, la Tour de Broa aujourd'hui nommée Tour Barberousse (BM).
Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, une phase de refortifaction du château de Gruissan est réalisée (COA 78).
En 1256, un hommage est renouvelé au nouvel archevêque Guillaume de Broa, reconnu comme seigneur dominant. Après quelques mois cohabitation, un litige oppose les coseigneurs. A cette occasion, il est indiqué qu'un partage ou division avait été fait auparavant. Dans la partie supérieure du château, un terrain appartenant à la famille de Boutenac avait été cédé à l'archevêque contre 150 sols. Très vite pourtant, un arbitrage ordonne une séparation perpétuelle. Dès lors, l'archevêque et ses successeurs tiendront perpétuellement la partie supérieure du château du côté nord, Bringuier de Boutenac, la partie du côté sud et chaque ensemble possède son entrée (COA 75). Ces documents précisent l'existence d'une chapelle dans la partie supérieure du château (COA 75, 80).
Après 1270, probablement à la charnière des XIIIe et XIVe siècle, la Tour Barberousse est édifiée (COA 81).
NB : La date de construction de la Tour est controversée. Les sources CMP et BM indiquent une date vers 1245, BM précisant qu'une tour est indiquée existante dans un document de 1247 alors que cette même tour n'est pas mentionnée dans un autre document de 1245. Cependant la source COA indique que la Tour ne peut avoir été construite qu'après 1270, date à laquelle apparaît dans la région le type de bossage des parements de la tour, et probablement à la charnière des XIIIe et XIVe siècles, dans une période proche de la construction de la tour de Gille Aycelin à Narbonne (NDR).
En 1296, les Boutenac vendent leur part de château aux archevêques qui deviennent seuls propriétaires de l'édifice (CMP 82, COA 75). L'archevêque est alors Gilles Aycelin (PI). Par la suite, l'archevêque confie l'exercice de la juridiction du château à un officier qualifié de châtelain, puis abandonne le lieu à Philippe le Bel, en raison de ses positions stratégiques et de l'insécurité du littoral dans la guerre qui l'oppose à Jacques II d'Aragon (COA 75).
1300 à 1400
Peut-être au XIVe siècle, au sud du site du château; des fortifications sont effectuées et des courtines sont aménagées, l'un des pans s'appuyant contre la Tour Barberousse. Ces modifications permettent un accès protégé au château (COA 81).
1500 à 1600
Au XVIe siècle, l'accès au château, vraisemblablement repris par l'actuel chemin d'accès, existe (COA 77).
Entre 1562 et 1598, durant les Guerres de Religion, le château de Gruissan est plusieurs fois pris et repris par Henri de Montmorency, gouverneur du Languedoc, et par François de Joyeuse, archevêque de Narbonne, qui s'affrontent (CMP 82). Au cours des Guerres de Religion, Gruissan joue un rôle important et son château passe entre les mains des Ligueurs et des Protestants, jusqu'à la fin du XVIe siècle. Pour faire face à d'éventuels raids espagnols, le château est maintenu en état et réapprovisionné sous l'ordre des consuls de Narbonne (COA 75).
En 1589, en août, le château est pris par Montmorency. Par la suite, lors de la trêve, il est évacué (BM).
En 1592, en septembre, le château est repris par Montmorency (BM).
E, 1594, en juillet, le château est repris par les Ligueurs (BM).
En 1598, après le Traité de Vervins, le château de Gruissan est dans un triste état (CMP 82).
1600 à 1700
Au début du XVIIe siècle, le château est démantelé après la révolte d'Henri de Montmorency, gouverneur général du Languedoc (COA 75).
En 1632, Louis XIII prend la décision de démanteler les châteaux qui s'étaient signalés pendant les Guerres de Religion. Cependant, pour le château de Gruissan, il semble qu'il est épargné ou que la sentence n'est pas appliquée. Les historiens penchent plutôt pour un abandon des lieux (CMP 82).
NB : Contradictions probables entre les sources pour l'état puis le démantèlement du château entre le XVIe et le XVIIe siècle. Château indiqué en triste état par CMP, château maintenu en état par COA, château indiqué démantelé par COA mais épargné par CMP (NDR).
En 1690, un texte indique que le château est ruiné (PI).
1700 à 1800
Au cours de la Révolution, les archevêques perdent la possession du château de Gruissan (CMP 82).
En 1797, une partie des murs du château s'effondrent. Par la suite, les pierres du château sont prélevées par des habitants de Gruissan qui l'utilisent comme carrière (BM).
1900 à 2000
En 1948, les ruines du château-fort, dont la Tour Barberousse, sont inscrites aux Monuments historiques (BM).
TOPONYMIE
La date à laquelle la Tour de Broa fut baptisée Tour Barberousse est inconnue et la raison pour laquelle le nom de Barberousse fut choisi est également inconnue (CMP 82). Il s'agit peut-être d'un rapport avec Khayr al-Din, dit Barberousse, le célèbre corsaire de l'Empire ottoman, qui, au XVIème siècle, écumait les rivages méditerranéens. Mais celui-ci n'aurait pourtant jamais touché terre à Gruissan (CMP 82, BM). Il pourrait cependant s'agir d'une confusion avec Gaspar Dot, dit Barbe Roussette, corsaire à la solde du duc de Joyeuse. Il commandait en 1589 à La Nouvelle, près de Gruissan et aurait participé aux actions qui se déroulèrent à Gruissan de 1589 à 1593 (BM, PI).
SITUATION
MÉTÉO
Tour Barberousse (meteoblue)TOPOS
Les topos du Bouquetin Boiteux passant à la Tour Barberousse.Itinéraire | Km | D+ | Altitude max | D+/Km | Cotation | Chiens |
---|---|---|---|---|---|---|
Etang de Gruissan, Massif de la Clape, Chapelle des Auzils | 21,5 | 400 | 200 | 18,6 | T1/T2 | Autorisé/Difficulté |
SOURCES
CMP : Jacques-Michel Ducros. Les Corbières maritimes et leur patrimoine. Auto-édition, second tirage revisité, 2018.
COA : Valérie Serdon. Le château de Gruissan, observations archéologiques. Article. Archéologie du Midi Médiéval, Tome 25, 2007. Persée, article en ligne.
BM : Ruines du château-fort. Base Mérimée. Notice en ligne.
PI : Panneaux informatifs.
PHOTOS
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Tour Barberousse (13/02/2024) |
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Tour Barberousse (13/02/2024) |
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13 février 2024 |
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Angle ouest de la courtine sud-ouest (13/02/2024) |
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Depuis l'Etang de Gruissan (13/02/2024) |
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Depuis l'Etang de Gruissan (13/02/2024) |
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Panneau informatif (13/02/2024) |
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Panneau informatif (13/02/2024) |
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Panneau informatif (13/02/2024) |
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