L'apparition de la montagne Atxulai

L'APPARITION DE LA MONTAGNE ATXULAI

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LA LÉGENDE PRESQUE VRAIE

L'abbé Pine, qui avait un nom à faire rigoler les enfants, et un braquemard à faire pleurer les parents, ou l'inverse, fit un jour le souhait d'édifier une chapelle dans son village d'Ainhoa. Les habitants, qui étaient très pieux, mais, surtout, qui ne foutaient rien de leurs journées et s'ennuyaient ferme, adhérèrent rapidement à l'idée. Ainsi, chaque jour, ils s'attelèrent à rassembler les matériaux sur le lieu choisi.

En ce temps là, Jean traînait ses guêtres sur la petite montagne d'Atxulai, qui se dresse au-dessus d'Ainhoa. Or, Jean, qui n'était pas bien pieux, mais, surtout, qui ne foutait rien de ses journées et s'ennuyait ferme, avait l'humour crétin. C'est pourquoi, chaque soir, discrètement, il montait sur un plateau de la montagne les matériaux qui avaient été apportés au cours de la journée. Il trouvait ça hilarant. Chaque matin, les habitants découvraient avec stupeur que tout avait bougé. Ils trouvaient ça étonnant. Chaque matin, ils redescendaient le tout. Ils trouvaient ça éreintant.

Après quelques jours de ce rituel, l'abbé Pine, qui était croyant, c'est-à-dire qu'il croyait tout et n'importe quoi, crut que tout ceci était dû à la volonté divine. Qu'il était con. Ni une, ni deux, les habitants, qui étaient très pieux, mais, surtout, qui commençaient à en avoir ras le cul de ce manège, édifièrent le sanctuaire sur le plateau.

Et c'est ainsi que fut édifiée la chapelle de l'abbé Pine.

Extrait des Chroniques de Jean le Charlatan


LA VRAIE LÉGENDE

Depuis toujours, sur les flancs de la montagne Atxulai, coule une source aux eaux bienfaisantes. C'est près de ce lieu qu'un jeune berger d'Ainhoa, le village situé en contrebas, avait l'habitude de garder son troupeau. Or, un jour, son regard fut soudainement attiré par une lueur qui brillait dans le buisson d'aubépine se dressant au-dessus de la source. Le jeune homme s'approcha et vit un visage radieux au regard souriant. Il la reconnut immédiatement. C'était la Vierge Marie. Le berger voulut tout d'abord reculer, saisi par la crainte et l'épouvante. Mais les charmes de la sainte étaient si puissants qu'il revint sur ses pas et s'entretint avec elle.

Le berger s'empressa ensuite de descendre au village afin de raconter sa merveilleuse rencontre. Les habitants exprimèrent d'abord quelques réticences mais, voyant son enthousiasme et, finalement, heureux que leur village ait été choisi par la Vierge Marie, ils décidèrent d'élever un sanctuaire afin d'honorer la sainte, de garder sa protection et sa bienveillance, et de la faire rayonner sur tout le territoire.

Cependant, chaque nuit, les matériaux qu'ils avaient rassemblés dans la journée se retrouvaient, au petit matin, plus haut, sur un plateau de la montagne Atxulai, au-dessus de la source où la sainte s'était manifestée. Les habitants comprirent alors que la Vierge Marie souhaitait que le sanctuaire soit édifié en ce lieu et nulle part ailleurs. Et c'est ainsi que fut érigée la chapelle dédiée à Notre-Dame d'Arantza, la Chapelle de Notre-Dame de l'Aubépine.

-> voir les infos sur la Chapelle Notre-Dame d'Arantza d'Ainhoa.


LA LÉGENDE ET LE RÉEL

La popularité de la Vierge Marie auprès des chrétiens est plus sensible dans la zone pyrénéenne que partout ailleurs en Europe. Les lieux de culte forment une chaîne ininterrompue depuis l'Euskaldi jusqu'à la Catalogne, sous la forme de chapelles, d'oratoires ou de sanctuaires, sans compter les multiples paroisses dédiées à la mère du Christ. De plus, un simple décompte des saints titulaires des paroisses de la zone pyrénéenne fait apparaître une prépondérance très nette de la Vierge, à elle seule davantage représentée que l'ensemble des autres saints. Sa vénération, très ancrée au Pays Basque, a des racines anciennes et mystérieuses, noyées dans les récits légendaires (3SPB). Dans la majeure partie du Pays Basque, le culte marial trouve une place conséquente. Cette vénération à la sainte féminine n'est peut-être pas sans lien à un culte ancien voué à une divinité féminine, symbole de maternité (2A2B).

Le thème du transport des matériaux est un thème très présent dans les légendes concernant la construction de sanctuaires. Il pourrait illustrer à la fois la guerre religieuse qui a secoué l'Eglise autour du culte des images aux VIIIe et IXe siècles, avec des prolongements tardifs, et la persistance de pratiques païennes. Le passage au christianisme se réalisa en effet au terme d'un combat culturel dont les atermoiements de la construction d'un sanctuaire, sur un site ou l'autre, sont sans doute des aspects allégoriques (3SPB).

La présence de la source provient de la vénération que les hommes ont toujours vouée à l'eau surgissante, symbole de la fertilité et de la fécondité, et que l'Eglise a cherché à christianiser depuis ses origines (3SPB).

L'aubépine, arbuste fleuri voué à la Vierge, fait partie de la légende dorée. Selon celle-ci, elle y aurait suspendu les premiers louanges de Jésus devant la grotte de Bethléem. Plus d'une trentaine de lieu de culte à la Vierge, de la Catalogne au Pays Basque, ont une origine légendaire basée sur une apparition de Marie dans un massif ou une branche d'aubépine. La mythologie classique est riche d'allusions à l'aubépine que l'on utilisait autour du bassin méditerranéen, en décoction, pour soigner les morsures de serpent. Voilà qui peut mettre sur la voie d'une relation entre le serpent, représentation du Diable, et la Vierge qui le piétine dans l'iconographie traditionnelle. De même, le dieu Janus usait de l'aubépine comme d'une baguette magique pour écarter les mauvais sorts et les influences néfastes auprès des jeunes enfants au berceau. En fait, toutes les plantes épineuses ont toujours joué un rôle lié à la guérison ou à la conjuration dans les cultures des sociétés traditionnelles. On peut même se demander si les épineux ne furent pas utilisés jadis pour des opérations de chirurgie élémentaire en relation avec des rites qui se sont christianisés par la suite. Ainsi, les bergers catalans des montagnes de l'Ampurdan vouaient un culte particulier à Notre-Dame de Coustouges, apparue sur un églantier, et ils faisaient bénir des rameaux d'épineux à la fête de ce sanctuaire, épineux qu'ils utilisaient pour opérer leurs bêtes ou eux-mêmes de piqûres ou de maux de peau (3SPB). La présence de l'aubépine, comme élément principal du décor de l'apparition n'est pas un hasard. Cette plante réputée pour la protection contre les orages, est une des premières à fleurir au printemps. Elle occupe donc une place importante dans le calendrier en période pré-solsticiale, avec une utilisation fréquente autour du cycle de la Saint-Jean. Avec ses fleurs blanches, elle a été utilisée pour représenter la pureté virginale. Avec ses branches assemblées en forme de croix, elle était censée éloigner les esprits diaboliques (2A2B).


SOURCES

2A2B : Arantzetako Ama Birjinaren Beila. Analyse anthropologique d'un patrimoine culture immatériel religieux. Le pèlerinage à la chapelle Notre-Dame-d'Arantza à Ainhoa. Histoire. 2015. (Alexandra Larralde / DUMAS-01288852)
3SPB : Saints, sources et sanctuaires du Pays Basque. 1995. (Olivier de Marliave / Editions Aubéron)


TOPOS

Les topos du Bouquetin Boiteux en rapport avec la légende de l'apparition de la montagne Atxulai.

Itinéraire Km D+ Altitude max D+/Km Cotation Chiens
Errebi, Soporro, Pic d'Ourrezti, Bizkailuze, Gorospil 19,5 1100 702 56,41 T2 Autorisé



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