Le Sentier des Muletiers et les Porteurs du Pic

LE SENTIER DES MULETIERS ET LES PORTEURS DU PIC

Porteurs du Pic (Site de Bagnères-de-Bigorre)


INFOS

Le ravitaillement de l'Observatoire du Pic du Midi
La construction de l'Observatoire du Pic du Midi débuta en 1878 et fut achevée en 1881. Celui-ci fut  édifié dans l'idée notamment de pouvoir y séjourner et y faire de la recherche scientifique été comme hiver. A Artigues se trouvait un dépôt de l'Observatoire où était stocké du matériel. Jusqu'en 1952, le ravitaillement se faisait à dos de mulets ou à dos d'hommes, selon la saison.

En été, le ravitaillement et le matériel pouvait être transporté à dos de mulets et les muletiers pouvaient emprunter plusieurs cheminements, dont celui du Sentier des Muletiers. Mais, en hiver, qui, au cours de ces 70 ans, durait en moyenne 6 à 9 mois dans la montagne, le seul accès possible était le cheminement par le Vallon d'Arizes. La neige empêchait l'utilisation des mulets pour le transport et ce fut donc à dos d'hommes, les Porteurs du Pic, que les ravitaillements étaient effectués. Ceux-ci étaient indispensables et vitaux pour les scientifiques et leurs aides qui hivernaient dans l'Observatoire et ce fut donc grâce à ces Porteurs du Pic que l'hivernage au Pic du Midi de Bigorre fut possible.

Le Sentier des Muletiers
En été, lors des travaux de construction de l'Observatoire ente 1878 et 1881 puis, par la suite, durant son utilisation, le ravitaillement était donc effectué à dos de mulets selon plusieurs cheminements. Celui appelé le Sentier des Muletiers démarrait à Artigues, au dépôt de l'observatoire, rejoignait les Cabanes de Tramezaygues puis arrivait au Pont d'Arizes. De là, il montait ensuite à gauche, à flanc de montagne, passait à la Cabane de Pène Blanque, grimpait la Coume du Pic jusqu'au Col de Sencours avant de rejoindre le sommet du Pic du Midi de Bigorre.

Les Porteurs du Pic
En hiver, le ravitaillement de l'Observatoire était donc assuré par les Porteurs du Pic. Ce furent 3 ou 4 générations de paysans du Haut-Adour et provenant de quelques familles qui se sont relayées durant près de 70 ans, entre 1881 et 1952. L'Amicale des Anciens du Pic a dénombré 30 porteurs, dont les noms, tous des hommes, sont gravés sur une plaque commémorative, apposée en 2006 sur le Sentier des Muletiers, au bord de la route. Mais il y en eut certainement plus et il y eut aussi des femmes qui effectuèrent le portage.

Les noms gravés sur la plaque sont Jean Amaré, Baptiste Baylac, Jean Baylac, Jean Baylac-Luquet, Jean-Pierre Bayle, Charles Berrut, Jean-Marie Brau-Chulat, Louis Brau-Menjucat, Arthur Brau-Nogué, Jean-Amond Brau-Nogué dit Jean de Gripp, Joseph Brau-Nougé, Louis Brau-Nogué, Dominique Brau-Thérou, Urbain Brau-Thérou, Antoine Burre, José Carmouze, Paul Carrère-Menjouas, Ferdinand Cazaux, Théodore Cazaux, Théophile Cazaux, Jean-Marie Chelle, Charles Danglade, Théophile Dassibat, Joseph Despiau, Marcel Fourcade, Baptiste Galiay, Jean Galiay dit Pirou, Joseph Lahoussa dit Lahume, Jean-Marie Pujo et Jean Torné.

Les Brau-Nogué possédaient une maison-auberge à Gripp, l'Auberge des Voyageurs, et celle-ci servait de quartier général aux Porteurs du Pic. Les commandes qui venaient de l'Observatoire du Pic du Midi de Bigorre, notamment via les Porteurs du Pic qui redescendaient, étaient ainsi réceptionnées à Gripp et les produits fétaient essentiellement achetés au marché de Bagnères-de-Bigorre pour être portés le lendemain au sommet, les charges réparties entre différents porteurs.

Le cheminement des Porteurs du Pic
Les Porteurs du Pic partaient de Gripp, de la maison-auberge de chez Brau-Nogué et, après 2 km, arrivaient à Artigues, au dépôt de l'observatoire. Ils suivaient ensuite le cheminement du Sentier des Muletiers, passant aux Cabanes de Tramezaygues puis par un goulet qui peut être délicat lorsqu'il y a beaucoup de neige. Ils atteignaient alors le Pont d'Arizes. A gauche, le Sentier des Muletiers grimpait à flanc de montagne, dans un secteur trop avalancheux en hiver. Les Porteurs du Pic empruntaient donc un second itinéraire en fond de vallée sur la rive gauche de l'Arizes et se rendaient à la Cabane d'Arizes pour obliquer vers le sud-ouest, remonter la Coume d'Arizes et atteindre la Cabane de Pène Blanque où ils retrouvaient le Sentier des Muletiers. Ils suivaient alors le cheminement muletier, remontaient la Coume du Pic, passaient le secteur des petits lacets et rejoignaient le Col de Sencours où se trouvait l'Hôtellerie de Sencours. De là, ils grimpaient par la crête des Roches Noires au-dessus de laquelle se trouvaient 3 câbles superposés s'adaptant ainsi à la hauteur de la neige pour faire office de main courante et qui permettaient de monter les derniers mètres. Au final, depuis Gripp, les Porteurs du Pic gravissaient environ 1850m de dénivelé positif.
-> voir les infos sur l'Hôtellerie de Sencours.

L'équipement des Porteurs du Pic
Les Porteurs du Pic étaient au début équipés de brodequins à clous et d'un grand bâton de berger. Leurs vêtements, en gros tissu de laine, étaient de vraies éponges qui s'alourdissaient avec l'eau et la neige. Plus tard, ils utilisèrent, du Col de Sencours au sommet du Pic du Midi de Bigorre, des crampons, lourds et possédant 4 ou 5 pointes, forgés à Campan. L'utilisation des skis, à une époque tardive, permit de faciliter le cheminement. Ils étaient rudimentaires, tout comme la technique pour les utiliser, et des cordes et des ficelles faisaient office de peau de phoque.

Pour le transport du matériel, les Porteurs du Pic utilisaient une hotte ouverte maintenue par une armature de bois pliable et ajustée sur leurs épaules par des attelles. Cette hotte pesait 3 kg et était appelée le crochet. La charge variait de 20 à 40 kg en moyenne mais certaines dépassaient les 50 kg.


HISTOIRE

1800 à 1900
En 1860, le 18 juillet, Farham Maxwell-Lyte photographie une éclipse solaire depuis l'Hôtellerie de Sencours. Tout le matériel est amené depuis Bagnères-de-Bigorre à dos d'hommes et de mulets en passant par le Sentier des Muletiers. Les travaux effectués joueront par la suite un rôle essentiel pour la renommée du Pic du Midi de Bigorre.

En 1878 débute la construction de l'Observatoire du Pic du Midi de Bigorre. Durant les travaux, qui se déroulent au cours de l'été, les matériaux sont acheminés par des mulets, par Barèges et le Tourmalet ou depuis la Vallée de Campan par le Vallon d'Arizes, en suivant le Sentier des Muletiers.

En 1881, l'Observatoire du Pic du Midi de Bigorre est fini. Champion de Nansouty s'y installe pour ses observations météorologiques. A partir de cette année-là, les scientifiques et leurs aides y restent été comme hiver. En été, les instruments et ravitaillements sont transportés par des mulets, par Barèges et le Tourmalet ou depuis la Vallée de Campan par le Vallon d'Arizes. Mais, en hiver, pour permettre l'occupation des lieux, il faut un approvisionnement régulier en nourriture, courrier, charbon et parfois matériel de rechange. Mais ce ravitaillement ne peut être fait par les mulets à cause de la neige et se sont donc les hommes qui s'en chargent, montant depuis Artigues et transportant le tout sur leur dos. L'histoire des Porteurs du Pic débute.

En 1882, la rémunération des Porteurs du Pic est de 0,5 franc par kilo et n'évoluera pas jusqu'en 1914.

En 1882, le 2 décembre, le deuxième hivernage à l'Observatoire du Pic du Midi de Bigorre est marqué par une tragédie. 6 porteurs qui viennent de monter du matériel et des vivres redescendent de l'Hôtellerie de Sencours. Ils sont surpris sur le Sentier des Muletiers, au bas des petits lacets, par une avalanche. Joseph Brau-Nogué arrive à se dégager et à secourir 2 de ses compagnons mais Jean Torné, Jean Baylac et Dominique Brau-Thérou décèdent.

En 1891, un jeune muletier meurt suite à la chute d'un pierre qui lui brise le crâne.

1900 à 2000
En 1901, la rémunération des Porteurs du Pic est toujours de 0,5 franc par kilo, ce qui est évalué, par l'INSEE, à 1,93 euros de 2017.

En 1914, et à partir de cette année-là, le matériel de l'observatoire est acheminé de Bagnères-de-Bigorre jusqu'à Artigues et son dépôt de l'observatoire, via Campan, Sainte-Marie-de-Campan et Gripp, à l'aide d'un tramway à crémaillère. En novembre, la rémunération des Porteurs du Pic est augmentée à 0,75 euros par kilo.

En 1926, la TSF, la Téléphonie Sans Fil, est mise en service et permet d'assurer une liaison avec l'Observatoire par tous les temps. Jusque là, la ligne téléphonique privée qui reliait l'Observatoire à Artigues était souvent endommagée par les intempéries.

En 1927, une route menant du Col du Tourmalet au Col de Sencours est construite. Le reste du parcours pour atteindre l'Observatoire se fait encore par l'ancien chemin muletier en été ou par le passage par la Roche Noire en hiver. Le ravitaillement estival de l'Observatoire est facilité. Au cours de la même année, Joseph Despiau, qui a appris à skier à l'école militaire de Barèges, est l'un des premiers Porteurs du Pic à utiliser les skis.

En 1930, la rémunération des Porteurs du Pic est de 5 francs par kilo, ce qui est évalué, par l'INSEE, à 2,86 euros de 2017.

En 1933, le tramway à crémaillère mis en place en 1914 est fermé. Il est remplacé par un autobus qui monte jusqu'à La Mongie. Au cours de la même année, la route du Col du Tourmalet au Col de Sencours est prolongée jusqu'aux Laquets, aujourd'hui disparus, où une nouvelle hôtellerie, l'Hôtellerie des Laquets, est construite.

En 1944,  la rémunération des Porteurs du Pic n'a pas évolué alors que l'inflation galope et que la valeur du franc s'est effondrée, passant de 0,88 euros en 1920 à 0,17 euros en 1944. Les Porteurs du Pic, menés par Joseph Despiau, menacent de faire grève et obtiennent gain de cause. Leur rémunération passe alors à 45 francs par kilo, ce qui, en 1945 et selon l'INSEE, équivaut à 5,64 euros de 2017.

En 1947, un câble transporteur muni d'une benne est installé entre l'observatoire et La Mongie pour assurer le transport du matériel. Il est sujet à de nombreux incidents mécaniques qui le rendent peu fiable. La route menant à l'Hôtellerie des Laquets est prolongée jusqu'à un terminus à 2720m d'où un funiculaire permet de monter le matériel lourd, jusqu'à 6 tonnes sur un trajet de 220m. Le funiculaire est actionné à la main par 2 équipes de 8 hommes qui hissent en 7 heures le socle d'un électro-aimant de 4 tonnes.

En 1952, le téléphérique de la station de ski naissante de La Mongie et menant au Taoulet est prolongé jusqu'à l'Observatoire du Pic du Midi de Bigorre. L'histoire des Porteurs du Pic prend fin.

En 2006, l'Amicale des Anciens du Pic installe une plaque commémorative à Artigues, sur le Sentier des Muletiers, au bord de la route départementale qui monte à La Mongie.

En 2007, José Carmouze, le dernier Porteur du Pic décède à l'âge de 90 ans.

En 2011, un incendie survient dans le grenier de l'ancienne auberge des Brau-Nogué à Gripp. Les documents en rapport avec les Porteurs du Pic qui avaient pu y être conservés disparaissent.

En 2015, le 16 juillet, un hommage est rendu à Bagnères-de-Bigorre aux Porteurs du Pic par les Amis du Parc National des Pyrénées, l'Amicale des Anciens du Pic et le Parc National des Pyrénées.


TOPOS

Les topos du Bouquetin Boiteux en rapport avec le Sentier des Muletiers et les Porteurs du Pic.

Itinéraire Km D+ Altitude max D+/Km Cotation Chiens
La Montagnette, Pic de Ballonque, Pène Lounque 13 1150 2290 88,46 T3 Autorisé
Sentier des Muletiers, Pic du Midi de Bigorre, Pic du Tourmalet 22,5 1800 2876 80 T3 Autorisé
La Montagnette (Raquettes à neige) 12 950 2235 79,17 WT3 Autorisé


SOURCES

Petite histoire du Pic du Midi de Bigorre (Jean-Christophe Sanchez / Cairn Éditions)
Porteurs du Pic, Partie 1 (Jean-Louis Rey / Revue Pyrénées 270)
Porteurs du Pic, Partie 2 (Jean-Louis Rey / Revue Pyrénées 271)


PHOTOS

Plaques commémoratives



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