Jean, l'aspirant traileur : Bagnères Classic Trail 2017


Plus jamais cette souffrance ! Plus jamais ça !
Jean avait fini le Trail du Barétous, cette idée en tête.

Site internet du Bagnères Classic Trail

15 jours avaient passé. Jean était au départ du Bagnères Classic Trail, prêt à avaler 25kms et 1500m de dénivelé positif. Prêt ? Il était pas tout à fait sûr, mais pour une fois, il n'avait pas de stress. Enfin, si, il en avait bien un. Barrière horaire au 16ème kilomètre. Elle semblait large mais comme Jean n'avait aucune référence, ça le faisait légèrement flipper.
- Si tu l'sens pas, n'y va pas, firent les jambes.
- Si je vous écoutais, on irait jamais nulle part, rétorqua Jean.
- Tu te souviens du Barétous ? Il nous semble que t'en as bien bavé non ? Et tu veux remettre ça ?
- Je vois pas de quoi vous parlez…
- Alzheimer ! Politicien !

Les coureurs du club étaient cette fois peu nombreux. Il y avait le couple de la Joe Bar Team, Gégé la Culasse et Ma la Durite. Stef Namasté était là également. À cause d'une petite douleur à la cuisse, son compère Fred Ramram était venu mais avait préféré ne pas participer malgré son inscription. Le pâté et la confiture offerts aux inscrits ainsi que le buffet de fin de course l'avaient tout de même décidé à faire la route.

Ma péta sa durite. Elle râlait. Il faisait froid, les sommets étaient enneigés, la boue serait de la partie, le temps était nuageux, les averses menaçaient.

La course débuta. La première montée jusqu'à la Vierge du Bédat fut agréable. Jean grimpa à bonne allure. Mauvaise gestion de course ? Jean n'en savait rien mais c'était plus fort que lui et il avait en tête la barrière horaire.

Stef le dépassa. Jean revint sur lui. Sté le dépassa. Jean revint sur lui. Sté le dépassa. Jean revint sur lui.
- On n'a pas fini de se croiser ironisa Sté.
- Au buffet de fin de course, pensa Jean, sachant qu'il ne tiendrait pas le rythme.
Sté prit de l'avance. Il ne la perdra plus.

Premier ravitaillement. Des spectateurs applaudissaient, des bénévoles faisaient un boulot formidable. Début de la montée sur le Tucou. Premier mur. Bref mais intense. Jean grimpait doucement et se faisait régulièrement dépasser. Petites jambes de coq anorexique.
- C'est pas fini de nous insulter ? crièrent les jambes. Ah, ça, c'est facile de tout mettre sur le dos du petit peuple !
- Faut avouer qu'on avance pas beaucoup, répondit Jean.
- Ouais, ben, c'est pas forcément de notre faute !
Jean préféra ne pas rentrer dans le débat.

Sur la montée suivante, Ma la Durite revint à sa hauteur. Un petit échange d'amabilité et la voilà qui s'éloignait. Jean parvint à la rattraper peu après dans la descente.

Le parcours arriva au niveau de la neige tombée la veille. Le paysage alentour était superbe. De nombreux sommets enneigés s'offraient à la vue. Le Pic du Midi de Bigorre resta mystérieux, caché dans les nuages. Moment de bonheur privilégié.

Du haut de son nuage, l'ange Gab faisait la gueule.
- Bonjour, fit le technicien météo en passant devant lui.
- Bon jour ? Ben non, c'est pas un bon jour. Impossible de lancer la pluie, peu de boue, il fait pas vraiment froid, pas trop chaud, et le vent est léger. C'est un temps idéal pour le trail. C'est le Grand Patron qui l'a voulu et je peux pas faire autrement. Et ce Jean qui me nargue après chaque course à écrire sur moi. Alors non, c'est pas vraiment un bon jour.
- Toujours aussi con, pensa le technicien qui continua son chemin.

Montée raide pour atteindre le Monné. Jean eut de bonnes sensations. Il colla au pot d'échappement de la Durite. Suivit un passage en dévers, boueux et glissant. Jean se sentait bien, à allure tranquille. Puis une longue descente vers le village de Beaudéan où il se laissa aller. Peut-être aurait-il dû mieux gérer cette partie.

Petite discussion avec un autre coureur afin d'échanger au sujet du Trail blanc d'Issarbe auquel ce dernier avait également participé cette année. Moment de détente, toujours agréable de faire des rencontres durant une course.

Jean arriva au ravitaillement. Il prit son temps, tranquille. Il savait qu'il allait souffrir ensuite. Il vit Ma la Durite arriver, se ravitailler rapidement et repartir au combat, tête baissée. Jean se remit en route.

L'ange Gab reprit le sourire.
- A partir de maintenant, tu vas vraiment en chier, Jean !
- Ah ben, ça s'arrange pas, pensa le technicien qui repassait par là.

C'était un mur, un vrai. Jean avançait au ralenti. Chaque pas était une lutte, chaque pas, une victoire. Il en profita pour jeter des coups d’œil autour de lui, admirer le paysage et se vider l'esprit. Ma la Durite disparut de son horizon. Il ne la retrouvera qu'après l'arrivée.

Plusieurs vautours apparurent.
- J'espère qu'on est pas venu pour rien, fit le premier.
- Les organisateurs nous l'ont promis, dit le second. Lorsqu'ils nous ont appelé, ils ont certifié que le parcours était bien costaud et qu'il y aurait des pertes.

Presque 3h de course.

Les jambes hachées, Jean parvint au sommet du Petit Monné. Il n'avait plus beaucoup de jus. Il manquait sûrement de fond, de dénivelé dans ses entraînements. Jean serra les dents et s'élança. Petite descente et à nouveau une petite montée. Pas longue, pas raide, mais dure pour le moral.

La descente jusqu'à l'arrivée allait être longue. Très longue.
- C'est pas encore fini ? râlèrent les jambes.
- Ouais, là, ça commence à être long, enchaînèrent les hanches.
- Un dernier effort, je vous en supplie, fit Jean, désespéré.

Au détour d'un virage, de jeunes spectateurs encourageaient, applaudissaient, criaient. Une vraie bouffée de plaisir dans ce moment difficile. Et toujours ces bénévoles, ces organisateurs, présents seulement pour que des fous puissent assouvir leur folie.

Jean franchit la ligne d'arrivée. Gégé la Culasse, Ma la Durite et Stef Namasté l'attendaient, déjà arrivés et accompagnés de Fred Ramram. Échanges de sensations, de commentaires sur le superbe parcours. De quoi se restaurer. Les jambes en feu, Jean était heureux d'avoir réussi à finir. Mais il mesurait tout le travail qu'il lui restait encore à faire. Une montagne, un Everest.

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