Plus jamais cette
souffrance ! Plus jamais ça !
Jean avait fini le
Trail du Barétous, cette idée en tête.
Site internet du Bagnères Classic Trail |
15 jours avaient
passé. Jean était au départ du Bagnères Classic Trail, prêt à
avaler 25kms et 1500m de dénivelé positif. Prêt ? Il était
pas tout à fait sûr, mais pour une fois, il n'avait pas de stress.
Enfin, si, il en avait bien un. Barrière horaire au 16ème
kilomètre. Elle semblait large mais comme Jean n'avait aucune
référence, ça le faisait légèrement flipper.
- Si tu l'sens pas,
n'y va pas, firent les jambes.
- Si je vous
écoutais, on irait jamais nulle part, rétorqua Jean.
- Tu te souviens du
Barétous ? Il nous semble que t'en as bien bavé non ? Et
tu veux remettre ça ?
- Je vois pas de
quoi vous parlez…
- Alzheimer !
Politicien !
Les coureurs du club
étaient cette fois peu nombreux. Il y avait le couple de la Joe Bar
Team, Gégé la Culasse et Ma la Durite. Stef Namasté était là
également. À cause d'une petite douleur à la cuisse, son compère
Fred Ramram était venu mais avait préféré ne pas participer
malgré son inscription. Le pâté et la confiture offerts aux
inscrits ainsi que le buffet de fin de course l'avaient tout de même
décidé à faire la route.
Ma péta sa durite.
Elle râlait. Il faisait froid, les sommets étaient enneigés, la
boue serait de la partie, le temps était nuageux, les averses
menaçaient.
La course débuta.
La première montée jusqu'à la Vierge du Bédat fut agréable. Jean
grimpa à bonne allure. Mauvaise gestion de course ? Jean n'en
savait rien mais c'était plus fort que lui et il avait en tête la
barrière horaire.
Stef le dépassa.
Jean revint sur lui. Sté le dépassa. Jean revint sur lui. Sté le
dépassa. Jean revint sur lui.
- On n'a pas fini de
se croiser ironisa Sté.
- Au buffet de fin
de course, pensa Jean, sachant qu'il ne tiendrait pas le rythme.
Sté prit de
l'avance. Il ne la perdra plus.
Premier
ravitaillement. Des spectateurs applaudissaient, des bénévoles
faisaient un boulot formidable. Début de la montée sur le Tucou.
Premier mur. Bref mais intense. Jean grimpait doucement et se faisait
régulièrement dépasser. Petites jambes de coq anorexique.
- C'est pas fini de
nous insulter ? crièrent les jambes. Ah, ça, c'est facile de
tout mettre sur le dos du petit peuple !
- Faut avouer qu'on
avance pas beaucoup, répondit Jean.
- Ouais, ben, c'est
pas forcément de notre faute !
Jean préféra ne
pas rentrer dans le débat.
Sur la montée
suivante, Ma la Durite revint à sa hauteur. Un petit échange
d'amabilité et la voilà qui s'éloignait. Jean parvint à la
rattraper peu après dans la descente.
Le parcours arriva
au niveau de la neige tombée la veille. Le paysage alentour était
superbe. De nombreux sommets enneigés s'offraient à la vue. Le Pic
du Midi de Bigorre resta mystérieux, caché dans les nuages. Moment
de bonheur privilégié.
Du haut de son
nuage, l'ange Gab faisait la gueule.
- Bonjour, fit le
technicien météo en passant devant lui.
- Bon jour ?
Ben non, c'est pas un bon jour. Impossible de lancer la pluie, peu de
boue, il fait pas vraiment froid, pas trop chaud, et le vent est
léger. C'est un temps idéal pour le trail. C'est le Grand Patron
qui l'a voulu et je peux pas faire autrement. Et ce Jean qui me
nargue après chaque course à écrire sur moi. Alors non, c'est pas
vraiment un bon jour.
- Toujours aussi
con, pensa le technicien qui continua son chemin.
Montée raide pour
atteindre le Monné. Jean eut de bonnes sensations. Il colla au pot
d'échappement de la Durite. Suivit un passage en dévers, boueux et
glissant. Jean se sentait bien, à allure tranquille. Puis une longue
descente vers le village de Beaudéan où il se laissa aller.
Peut-être aurait-il dû mieux gérer cette partie.
Petite discussion
avec un autre coureur afin d'échanger au sujet du Trail blanc d'Issarbe auquel ce dernier avait également participé cette année.
Moment de détente, toujours agréable de faire des rencontres durant
une course.
Jean arriva au
ravitaillement. Il prit son temps, tranquille. Il savait qu'il allait souffrir ensuite. Il vit Ma la Durite arriver, se ravitailler
rapidement et repartir au combat, tête baissée. Jean se remit en
route.
L'ange Gab reprit le
sourire.
- A partir de
maintenant, tu vas vraiment en chier, Jean !
- Ah ben, ça
s'arrange pas, pensa le technicien qui repassait par là.
C'était un mur, un
vrai. Jean avançait au ralenti. Chaque pas était une lutte, chaque
pas, une victoire. Il en profita pour jeter des coups d’œil autour
de lui, admirer le paysage et se vider l'esprit. Ma la Durite
disparut de son horizon. Il ne la retrouvera qu'après l'arrivée.
Plusieurs vautours
apparurent.
- J'espère qu'on
est pas venu pour rien, fit le premier.
- Les organisateurs
nous l'ont promis, dit le second. Lorsqu'ils nous ont appelé, ils
ont certifié que le parcours était bien costaud et qu'il y aurait
des pertes.
Presque 3h de
course.
Les jambes hachées,
Jean parvint au sommet du Petit Monné. Il n'avait plus beaucoup de
jus. Il manquait sûrement de fond, de dénivelé dans ses
entraînements. Jean serra les dents et s'élança. Petite descente
et à nouveau une petite montée. Pas longue, pas raide, mais dure
pour le moral.
La descente jusqu'à
l'arrivée allait être longue. Très longue.
- C'est pas encore
fini ? râlèrent les jambes.
- Ouais, là, ça
commence à être long, enchaînèrent les hanches.
- Un dernier effort,
je vous en supplie, fit Jean, désespéré.
Au détour d'un
virage, de jeunes spectateurs encourageaient, applaudissaient,
criaient. Une vraie bouffée de plaisir dans ce moment difficile. Et
toujours ces bénévoles, ces organisateurs, présents seulement pour
que des fous puissent assouvir leur folie.
Jean franchit la
ligne d'arrivée. Gégé la Culasse, Ma la Durite et Stef Namasté
l'attendaient, déjà arrivés et accompagnés de Fred Ramram.
Échanges de sensations, de commentaires sur le superbe parcours. De
quoi se restaurer. Les jambes en feu, Jean était heureux d'avoir
réussi à finir. Mais il mesurait tout le travail qu'il lui restait
encore à faire. Une montagne, un Everest.
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